Le mot « crise » est l’un de ceux que nous utilisons couramment : crises politiques, crises industrielles, crise de l’Europe, crise de confiance, voire crise du logement. Le langage n’y échappe pas, analyse de la crise de vocabulaire sur la blogosphère.
La blogosphère est un reflet de la société actuelle et il n’est guère étonnant de constater la vague montante des fautes d’orthographe ou le mépris qu’elle affecte à l’endroit de la syntaxe, voire les empiètements de l’argot.
Mais le mal le plus profond n’est-il pas dans le domaine du vocabulaire.
Il est difficile de savoir à combien de centaines de mots correspond le bagage normal du blogueur moyen. Nous constatons de plus en plus d’articles avec des simleys qui en quelque sorte remplacent les « machins trucs », les silences embarrassés, les borborygmes affreux ou les monosyllabes qui ne signifient rien.
La taille de police, le choix de couleurs, la multiplication des points d’exclamations ressemblent à une agitation gestuelle qui dissimule mal le vide effrayant de nos casiers à matériel cérébral.
Si l’occasion vous est donnée, vous pouvez faire de sondages parmi votre auditoire au risque d’être frappé par une ignorance des mots les plus élémentaires de notre langue maternelle.
Désormais le blogueur lambda n’a pas la moindre idée de ce que signifient péremptoire, éhonté, vagir de la différence entre spécial et spécieux, verbeux et verbal. Et si vous voulez accentuer la déroute poursuivez avec étymologie, anachronique, chronogramme …
L’affaiblissement de la volonté est une des principales causes. Nous ne connaissons plus les mots, parce que nous ne prétendons faire, pour les connaître nul effort. Choisir le terme propre, cela implique un travail de discrimination : nous tournons le dos au travail.
« Ne pas s’en faire » proclame, dans le négligé d’un raccourci qui trahit déjà tout un style de vie, la formule la plus veule qui soit. Transposez-la, cette formule sur le plan du vocabulaire et vous aurez rendu compte de ces textes clopinants où l’esprit, le bon ton, le respect de la langue ont fait place à toutes les approximations du jargon.
En abandonnant les disciplines classiques, on a réduit la zone d’influence des maîtres à bien dire. Les lectures du blogueur se limitent à la prose du chroniqueur sportif, aux journaux nationaux grand public, à la presse people.
Le monde l’image a tué le verbe et conduit à la fermeture de nombreuses bibliothèques. La recherche Google a calamiteusement remplacé la recherche dans un dictionnaire.
La constante recherche de la vitesse à être le premier à délivrer l’information en favorisant la quantité à la qualité. Même les superlatifs d’accrochage par le titre sont en manque de vocabulaire : pharamineux, superchic, atomique sont passés aux oubliettes.
Les procédés de la publicité commerciale ou financière ont opéré un véritable lavage de cerveau.
Le blogueur utilise ce qui lui a été enseigné. Le temps passé à enseigner le vocabulaire s’est réduit comme peau de chagrin. Les mots de la langue sont supposés connus alors qu’ils ne le sont pas.
Prenez n’importe quel texte littéraire et vous constaterez que les termes même les plus quotidiens ne sont plus saisis, ne recouvrent plus telle chose ou tel concept.
Bien parler et donc bien écrire, c’est aussi savoir ce que les mots veulent exactement dire. Faire comprendre le vrai sens des mots, c’est fournir à l’esprit des moyens de s’exprimer. La grande pitié du vocabulaire sur la blogosphère, et dans notre vie de tous les jours, ne sera conjurée que si l’apprentissage de la langue est repris sur de nouvelles bases.
Pour lutter contre la crise du vocabulaire sur la blogosphère nous devons utiliser un vocabulaire riche sans avoir peur de ne pas être lu. Le nivellement doit se faire par le haut.
Le parallèle entre les feuilles qui tombent à l’automne et les mots qui deviennent des feuilles mortes sont mon inspiration pour ma participation à la photo du dimanche qui finalement aura plus de mots que de photos.