Gilles La Carbona, un auteur qui adore la plume qui glisse sur le papier

Écrire à la main sollicite des zones du cerveau spéciales, et donne à l’esprit une tournure particulière… Gilles La Carbona est toujours étonné d’être qualifié d’auteur, mais à qui il faut toujours un stylo et du papier à portée de main. Il a ouvert sa porte à Virginie Vanos

Gilles La Carbona

 

Entrevue avec Gilles La Carbona

Virginie Vanos : Bonjour Gilles ! Merci de m’accorder cet entretien. Vous êtes donc auteur. Pouvez-vous parler de votre parcours à nos lecteurs ?

Gilles : Auteur, je suis toujours étonné d’être qualifié comme tel. Pour moi les auteurs sont ces personnages fabuleux, comme Balzac, Dumas, St Ex etc., et je n’arrive toujours pas à penser que j’en suis un, ça viendra avec le temps.

Mon parcours, eh bien c’est déjà une vieille histoire. J’ai eu envie d’écrire mon premier roman je n’avais pas 30 ans…je vais en avoir 56…vous voyez un peu le chemin. J’ai mis 3 ans pour le faire…ensuite un grand vide pendant plus de 10 ans. Et le déclic est venu d’une amie à qui j’ai fait lire mes manuscrits. Elle m’a dit : « il faut les faire publier ! ».

La belle affaire, ce n’est pas à vous que je vais expliquer le parcours du combattant pour trouver un éditeur. Bref, entre temps la fièvre de l’écriture m’a repris en 2014. Mais je pense que j’ai ce virus depuis mon passage dans la classe de Monsieur Bernard, mon instituteur de CM2. Il nous faisait lire « la gloire de mon père » de Marcel Pagnol, ici, c’est une institution Pagnol, sa façon de décrire les choses, cet amour des lettres et des choses simples mais si belles, tout vient de là…

Depuis j’écris, il me faut toujours un stylo et du papier à portée de main, ah oui je suis un vieux bonhomme qui adore la plume qui glisse sur le papier. Vous saviez qu’écrire à la main sollicite des zones du cerveau spéciales, et donne à l’esprit une tournure particulière.

Supprimer l’apprentissage et l’utilisation du stylo pour écrire conduirait donc à modifier notre perception des choses, à laisser tomber une partie de notre cerveau…pas certain qu’une partie inutilisée prenne le relais, ni que la nouvelle fasse des merveilles non plus !

 

VV : Vous m’avez parlé de justice et de liberté. Un jour, j’ai dit à un homme de loi que j’étais un peu bécasse car je mettais dans la même famille Justice, morale et éthique, ce à quoi il m’a répondu qu’hélas, c’était une pensée utopique dans ce monde. Qu’en pensez-vous ?

Gilles : Il n’a pas vraiment tort. Tout devrait être lié. Et c’est impossible, puisque ceux qui font les lois, se débrouillent pour y échapper. Quant à l’éthique elle sera demandée à tous les citoyens sauf à nos dirigeants…donc oui c’est utopique. L’exemple vient du sommet, et en France, ce n’est plus le cas !

De façon plus générale, vous avez soulevé un problème plus vaste. Ce qui est juste pour moi, ou entre dans ma morale ne l’est pas pour un habitant d’un autre pays à la culture et à la religion différente. Bien entendu que l’éthique devrait conditionner comme la morale l’esprit de justice. La morale diffère selon nos éducations nos religions et nos sociétés. La justice est un principe d’équité, de respect de règles pour vivre ensemble harmonieusement. Les deux doivent se confondre dans un même moule, mais on ne peut pas généraliser avec la morale. Avec la justice on devrait.

Pourtant le bien, le mal n’ont pas les mêmes connotations selon notre appartenance ethnique. Il est moralement interdit de manger une vache en inde, de manger du porc pour un musulman, mais est-ce que la justice ne peut pas s’accorder pour définir ce qui est bien ou pas, hormis ces contraintes qui sont religieuses. Est-ce juste de manger une vache quand on meurt de faim ?  Je vous parlais de justice et d’équité. Une même cause doit être jugée de la même façon quelle que soit notre position sociale. Il est scandaleux, surtout en France, de voir des personnages hauts placées éviter des peines ou avoir des peines très allégées, quand le simple citoyen reçoit une condamnation lourde pour bien souvent des faits bien moins importants.

En ce moment nous vivons une période hallucinante en France, je ne vais pas entrer plus que cela dans ce sujet, mais la justice doit d’abord être indépendante et surtout indifférente au statut social, et ce n’est plus le cas ici !

 

VV : Liberté ne veut pas dire licence,  mes yeux. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Gilles : Liberté, ah quand j’ai parlé de cela je me plaçais sur le plan démocratique. Je ne parlais pas de la liberté individuelle au sens restreint du terme. Dans mon esprit, liberté veut dire que je ne suis pas contraint par des lois pour dire ce que je pense, pour m’exprimer. Or aujourd’hui nous assistons à un contrôle de la pensée, de la liberté justement de parole qui conduit à des restrictions de plus en plus graves. Songez tout de même qu’une ministre est allée jusqu’à dire que critiquer notre chef de l’Etat, c’est le début du terrorisme !

C’est au contraire le principe même de la liberté en démocratie. Imaginez un Coluche aujourd’hui, aucun de ces spectacles ne serait autorisé. Un Desproges, un Jean Yanne idem. La question n’est pas de dire ça va choquer, donc on interdit ! C’est idiot et contreproductif. On peut interdire de le dire, mais le penser ?

Hitler faisait bruler tous les livres qui ne convenaient pas à sa morale, mais les pensées de ces ouvrages ont-elles disparu dans ces autodafés ? Non. On devrait pouvoir tout se dire, et laisser les uns et les autres se répondre librement. Mais on préfère avoir des sociétés bien lisses, pas de vague, pas de remous. Pas un mot plus haut que l’autre.

Mais le jour ou le peuple pour une raison ou une autre en a assez, on découvre qu’il n’était pas aussi sage qu’on le croyait. Voltaire a bien résumé la question non ? « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

fleurs lavande

 

VV : Vous m’avez confié, je vous cite : « Je suis toujours dans une forme de recherche entre le comment et le pourquoi avec nous au milieu. ». Pouvez-vous m’expliquer le fond de cette pensée ?

Gilles : C’est très simple, et mon dernier ouvrage : « et les rossignols chantent encore » en est l’illustration.

Je crois que Thibon disait : « je suis cette chose qui va mourir et qui le sait »…partant de là, je ne peux rester insensible à notre passage sur Terre. Le comment on est là et le pourquoi ? Est-ce un accident, un pur hasard, et si ça ne l’est pas, pourquoi sommes-nous ici ?

Depuis que la vie existe sur Terre environ 4 milliards d’années, il y a eu de nombreuses espèces vivantes. Une seule a eu la possibilité de penser le monde et d’avoir la conscience de son éphémère passage, c’est nous ! Fabuleux non ! Si c’est un accident, c’est pour une fois un sacré coup de chance vous ne pensez pas !

Mais si c’est juste un accident ça nous ramène aussi à notre propre solitude. Le mystère de la création de l’univers est total et le restera. Le mur de Planck ne sera pas franchi. Nous en resterons à nous dire, qu’il y avait de la matière condensée dans une tête d’épingle, posée dans ou sur le néant ou ailleurs et qu’il y a 14 milliards d’années, le tout s’est échauffé pour créer l’univers. Sur un caillou que nous connaissons bien, l’homme est venu !

Comment ? Pourquoi ? Mais si ce n’est pas un accident alors nous pouvons entrer dans le domaine de la spiritualité !

 

VV : Quelle est votre rapport à la spiritualité ?

Gilles : Parfaite liaison avec la question précédente. Il est fort, et je ne l’associe pas avec une religion ! Je ne crois pas aux livres saints quels qu’ils soient ! Ce sont trop souvent des manifestes politiques, des guides de vie, avec des contraintes sociales. De plus, les principaux n’ont été écrits que bien des années après la disparition des prophètes !

Je crois en une force supérieure qui gouverne nos vies et nos destins. Justement, par rapport à la question précédente, je ne pense pas que nous soyons un accident. Avant le Big bang, il y avait forcément quelque chose qui nous dépasse. Vous savez qu’un corps après son décès perd tout de suite 21 grammes. C’est le poids qui a été attribué à l’âme !

Ce petit truc qui nous permets de nous émouvoir devant le beau notamment, face à un paysage, eh bien ne pèserait que 21 grammes et sortirait de notre corps juste après notre mort. Mais pour aller où ? Voilà la grande question n’est-ce pas…

La vie c’est quoi ? De la chimie et de la physique.

 En 1953 des savants, dont j’ai oublié les noms ont reconstitué la soupe originale qui a donné naissance à la vie. Par principe, et selon Lavoisier, rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme. Ce qui me laisse penser et croire que nous existons autrement ! J’ai besoin de cette forme de spiritualité pour me recentrer, relativiser les choses dans la vie.

Bien entendu, la perte d’un être cher reste une douleur, et me ramène toujours à ma propre fin. Vous allez me dire que ma spiritualité n’est qu’une bouée de sauvetage pour m’éviter de sombrer dans la déprime ou la folie ! Peut-être oui, mais je n’ai trouvé que cela pour ne pas désespérer, ce n’est pas si mal non…

 

VV : Nous avons aussi brièvement évoqué la lecture. Quelles sont vos références en la matière ?

Gilles : Oh là c’est une question plus simple. Je reste classique, les auteurs du 18ème ont une légère préférence. Sinon j’ai été influencé comme je vous le disais par Pagnol, mais aussi Giono, St Ex, Kessel, Mauriac…aujourd’hui je me régale avec F Cheng, Gracq, Sampiero ; Bobin, Juliet…j’aime aussi la poésie. J’en ai besoin pour m’évader complètement. Ça n’arrive pas toujours, mais c’est normal, la poésie c’est vraiment une histoire de sensibilité.

Quand la magie opère c’est splendide ! Un vers et hop, des images fusent, un monde nouveau s’ouvre, on entre dans une autre dimension.

fleurs rose

 

VV : Pour conclure, parlez-nous de vos passions…

Gilles : Le jardinage…là c’est mon péché mignon. Voir mon cerisier du japon en fleur tous les ans c’est un ravissement. J’attends ce moment avec une impatience contenu. C’est gracieux, c’est doux, un régal pour les yeux. D’une façon générale j’aime les fleurs, les roses ont ma préférence. J’en ai plusieurs variétés, certains ont un parfum puissant. J’aime les fragrances des fleurs, c’est un autre voyage ! Un jasmin en fleur, ou un chèvrefeuille…vous imaginez, un léger vent passe sur les fleurs et l’air se fait envoûtant…

Ensuite il y a le sport. C’est un besoin, une drogue un défouloir, quand je pousse de la fonte j’ai besoin de sentir mon corps travailler. De l’obliger à trouver certaines limites pour voir ce dont je suis encore capable.

Enfin la lecture et l’écriture. La lecture parce qu’il m’est nécessaire de me nourrir des mots des autres, et l’écriture parce que je suis toujours en recherche d’exprimer l’inexprimable, mais je n’y arrive qu’imparfaitement. Je devrais finalement me mettre à la peinture, ou la musique, ces autres langages qui permettent de dire tout ce que les mots ne savent pas exprimer.

 

VV : En vous remerciant…

Gilles : C’est moi qui vous remercie, vos questions étaient pertinentes et très profondes. J’espère avoir été à la hauteur.

Virginie Vanos © Marc Naesen

 

Une rencontre signée Virginie Vanos

(Re) découvrez l’interview de Virginie Vanos qui nous parle de son dernier roman Anna Plurielle

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T
un personnage qui me plait bien, , et qui a beaucoup réfléchi<br /> Bonne journée Bernie
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B
Il est très intéressant de le découvrir
F
bel allant la photo des lavandes.la plume qui ne que glisse sur le papier .. c'est presque dommage.. sourire..
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B
La poésie est au rendez-vous